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Bref et dans le désordre ou L'errance poétique

André Verdet


Les Humains associés : Ce numéro a pour thème : "Bonnes nouvelles pour des temps difficiles". En ce qui me concerne les temps sont difficiles, parce que presque tout est pollué, c'est-à-dire profané ! J'ai toujours eu le sentiment profond que la poésie peut sauver le monde, car la perception poétique révèle l'harmonie, la beauté des êtres et des choses cachée derrière les choses. Nous savons que cette perception qui nous permet de voir "toutes les beautés de l'Univers", comme dit Staël, est quasi absente dans notre monde. Alors je me suis dit que si nous parvenions à éveiller l'amour de la poésie chez l'homme, cela nous rendrait peut-être meilleurs, plus aimants les uns envers les autres.
André Verdet : Nous sommes tout à fait d'accord que tout est pollué et profané. Mais j'ajouterai que la poésie peut marcher en parallèle avec la science et inversement.

Il y a (heureusement) quelques grands cosmologues, astronomes et astrophysiciens qui ont cette approche, cette sensibilité, cette sensibilité d'approche de la poésie dans leurs écrits. Évidemment, il y a une chose certaine, c'est que l'intuition poétique d'un poète peut rejoindre la science, mais il n'est pas toujours vrai que l'inspiration scientifique des savants puisse rejoindre la poésie. Nous sommes d'accord ! Donc, je comprends bien ta question.

Je ne pense pas que ce soit la même démarche, je dis cela sans aucun sens péjoratif; j'ai des amis pour lesquels j'ai beaucoup d'estime qui sont scientifiques ainsi que poètes, mais, dans un certain sens, ils se servent du langage poétique et de la métaphore pour tenter d'exprimer autrement ce qui n'est exprimable dans leurs équations. Ce que je souhaite, c'est que les poètes prennent la parole, et qu'au moins les poètes ne se sentent pas obligés de s'adresser à la science pour valider leur poésie. C'est la science qui a besoin de la poésie.
La science a beaucoup plus besoin des poètes, que les poètes n'ont besoin de la science. Là, nous sommes d'accord ! Peut-être vais-je me faire maudire par certains.

Non pas par des scientifiques comme ton ami Michel Cassé que j'ai rencontré une fois à Nice. Il y a eu un contact, je l'ai senti proche de moi et moi proche de lui, ensuite je ne l'ai pas revu.

Par un Delache non plus ! Ce magnifique chercheur qui est peut-être sur le point de trouver quelque chose d'étonnant, l'étoile Geminga, l'étoile de rien, laquelle donnerait une pulsion au Soleil.

Si c'est vrai c'est extraordinaire, parce que le Soleil dépendrait d'autre chose que de lui-même, du mouvement orbital de notre Galaxie, en l'occurrence la Voie Lactée.

Cette étoile Geminga, on ne sait pas si ça pourrait être un trou noir ou une étoile à neutrons. Pour Philippe Delache, qui a été directeur de l'observatoire de Nice qui est un des plus importants d'Europe, la part poétique est la part majeure et il écrit des poèmes, voilà ! Jean Claude Pecker, le grand patron de l'astrophysique en France, du Collège de France écrit aussi des poèmes...

Alors ça, c'est une première, mais je suis ravie de l'entendre !
Oui, je vous le révèle, et s'il m'entend tant pis pour lui ! Il n'ose pas. Je te le jure, et non seulement il écrit des poèmes, mais il peint ! Et ce n'est pas mauvais du tout, surtout les peintures abstraites.

Delache, qui écrit des poèmes mais ne peint pas, est un homme de grande pudeur, c'est un poète chrétien, il croit. Je suis agnostique, Pecker aussi, mais ce n'est pas pour cela que nous ne croyons en rien. Pour moi la nature procède par intentions, mais nous en parlerons plus tard.

Nous avons tenté de nombreuses révolutions et nous avons perdu beaucoup de batailles dans cette queste de l'impossible rêve, comme dirait Don Quichotte. J'ai mis du temps à comprendre que seule la parole poétique est révolutionnaire. Il se peut, et cela est le désir profond de mon coeur, qu'il nous reste à faire la dernière des révolutions, celle où il n'y aura que des "conspirateurs amoureux", la révolution poétique. Qu'en penses-tu cher poète ?
La vraie parole poétique et l'écrit poétique sont révolutionnaires, ça oui ! C'est vrai que, pour moi, la vraie poésie est révolutionnaire, qu'elle soit politique, purement spirituelle, morale...

Par exemple, Saint Jean de la Croix et Sainte Thérèse d'Avila, sont de grands poètes. La poésie de Saint Jean de la Croix est sublime, ses poèmes d'amour sont parmi les plus beaux de l'histoire de l'humanité.

Paul Éluard, sa poésie est révolutionnaire parce qu'il représente, pour moi, peut-être le dernier troubadour.

Dans un livre Amour lointain (Amour lointain, quatre contes courtois, couverture et illustration de Carzou, éditions Galilée, 9 rue de Linné 75005 Paris, 1981), j'ai traduit les troubadours Geoffrey Rudel, la Comtesse de Die, Bernard de Ventadour, et Rimbaud de Vacqueyras qui sont de la Provence.

Les troubadours qui ont un langage extrêmement ascétique, ramassé et condensé, une sorte d'écrit direct de la pensée, la pensée se livre sans intermédiaires.

Et qu'est-ce que cela donne ? À ma grande stupéfaction, le condensé d'un Paul Éluard, et Éluard pour moi c'est très grand. As-tu lu "Capitale de la douleur" (1926) ? Il y a aussi René Char qui est un immense poète.

Je ne vais pas décliner les noms qui feraient l'anthologie de la poésie française moderne; si mes amis poètes français m'entendaient, il y en aurait un qui me dirait : "Mais, il m'a oublié" (rire).

On n'a pas assez vu ce que les troubadours ont apporté à la civilisation européenne. Tu sais que les troubadours se sont propulsés jusqu'à la cour de Sicile.

Oui, c'est l'amour courtois.
Et qu'est-ce que cet amour courtois a apporté en Europe ? Tout simplement, il a aidé à la liberté de la femme.

Tout à fait ! Il était conçu pour l'élévation de la gente dame.
Oui, pour la dame de haute courtoisie, notre dame, ma dame. Nous sommes ici en pays de Provence et un peu plus bas c'est le pays des troubadours, le Languedoc.

Les troubadours étaient proches des Cathares. Pendant l'Inquisition, il y eut une croisade contre les Vaudois et les Albigeois. Les seigneurs des châteaux du Luberon étaient pour la plupart Vaudois.

Le massacre des Albigeois (nom donné aux Cathares du Midi) a été perpétré non loin d'ici. Les Cathares représentaient un côté très pur de la chrétienté...

Les "purs"...
La chasteté aussi a été mal comprise : "Il ne faut pas que l'on fasse l'amour", ce n'est pas ça ! Mais, bon Dieu ! on peut être très chaste dans les ébats amoureux les plus passionnés.

Tu permets que je t' envoie un livre érotique (Langue d'Eros, poèmes {illustrations de Paul Jenkins}, éd. Galilée, Paris, 1985)(Langue d'Eros, poèmes (illustrations de Paul Jenkins), éd. Galilée, Paris, 1985) que j'ai écrit et qui est totalement épuisé, avec de magnifiques illustrations de Jenkins.

Jenkins est un chaman, proche de certaines de nos conceptions, formé par la philosophie hindoue et non par la religion, il faudra que je te l'apporte.

Je fais une petite digression à notre conversation : La poésie a été pratiquement balayée de l'enseignement que l'on donne dans les écoles et dans les lycées et c'est scandaleux ! Même si on fait connaître les poètes français, pourquoi ne pas faire aussi connaître les poètes étrangers ? La poésie japonaise est extrêmement importante, les grands poètes japonais sont très concis. La poésie italienne et...

Et les grands poètes arabes, par exemple Rûmi, et Ibn El Arabi, sa poésie est sublime !
Tu me l'as enlevé ! Oui, la poésie soufie des derviches tourneurs, danseurs est sublime et d'une grande beauté, et ce n'est pas du tout l'enseignement de l'Islam tel qu'il est conçu par les intégristes, qui est la négation même du message de Mahomet.

Puis, la poésie anglaise et américaine avec Thoreau.
Oui, ou Whitman.

J'ai lu ton poème sur E=mc2 , il est superbe.
Étienne, ce jeune physicien que j'ai rencontré chez toi, l'a lu et m'a dit être en accord total avec, alors...

(sourire). Excusez-moi, mais c'est un peu comme l'oeuf de Christophe Colomb, c'était facile mais il fallait le trouver. Dans ce type de poésie, j'ai décomposé la part scientifique avec quand même pas mal d'humour.

Ce qui est important dans ce poème, c'est cette partie "mathématique", ce = avant, égal à plus. Il y a quelque chose qui vient de l'énergie avant et qui est égal; il y avait quelque chose avant =, venant d'on ne sait où.

Vient de nouveau =. E=mc2 égale, égale, et cela retentit, et là c'est le vide prénuptial, et c'est là le vide post-nuptial, voilà exactement ! C'est la première fois que je révèle cela, puisque je viens soudainement d'en prendre conscience.

Et c'est venu spontanément, aujourd'hui, grâce peut-être à nos conversations. Voyez comment sont les choses, je suis sincère, je le dis (rire). Je me suis toujours demandé pourquoi j'avais mis ça.

Je me rends compte que je t'avais parlé d'espace prénuptial; il est ici ce =, cela nous a été donné, et plus tard cela le sera encore.

Ibn El Arabi dirait : une égalité très singulière, car il appelle l'être "la singularité singulière". L'être en soi qui à chaque fois est un.
C'est pour ça que j'ai écrit : "Et encore une fois pour toutes fins utiles, tout se passe comme si tout était possible dans le où, le quand du domaine des probables.

À moins que tout fût probable, dans le où, le quand du domaine des possibles, comme si de rien n'était". D'ailleurs dans un autre livre, j'avais trouvé une formule du où-quand, c'était "Oukan".

Or tout se passe comme si... Tous les savants et chercheurs ont tendance à écrire et à dire au sujet d'une découverte qu'ils ont faite, si minime ou si majeure fût elle, "tout se passe comme si". Peut-être ne peuvent-ils faire autrement, parce que finalement beaucoup de choses nous ont été révélées, mais on ne sait rien sur la chose principielle, c'est-à-dire la chose du principe pur...

Au moins en science, en tous cas.
Pensez à cela ! J'ai fait un grand tableau là-dessus. Viens à Saint-Paul et tu le verras.

Sohravardi, un grand mystique iranien qui était aussi poète, parle d'un lieu qui est un non-lieu et qui en même temps contient tous les lieux, un lieu imaginal source de toute poésie - concept magnifique qu'Henry Corbin a tenté d'amener en Occident, Na Kôja Abad le pays du non où. Ton poème E=mc2 rejoint le poète soufi Abd Ak-Karim Al Jili, continuateur d'Ibn El Arabi. Ses poèmes sont éblouissants de beauté. Dans l'un d'eux, il dit : "Tu es comme si tu n'avais créé que des métaphores et comme si tu n'étais que par ta façon de parler. Tu es l'évidence de toi-même par la spontanéité de ton langage" (L'Homme universel, Al Insan Al Kâmil, première édition, éd. Dervy-Livres, Paris, 1975, p.32), magnifique non ?
Très beau ! Allez, je me le fais mien (rire)... Nous arrivons là à une chose, que j'expliciterai peut-être plus tard, qui est le thème de mon dernier livre Seul l'espace s'éternise (Seul l'espace s'éternise, éd. Galilée, Paris, 1994).

J'ai tenté de substituer ce concept de l'espace pur à l'idée pensée de Dieu. L'espace, pour moi, est une personnalité, et seul il s'éternise. C'est-à-dire il a toujours été, sans limites, ni commencement, ni fin.

Et le temps est arrivé au même moment que la matière. Il y a eu le premier corpuscule, la première particule infinitésimale, c'était déjà une matière, donc un objet.

Un atome de conscience ?
Un atome de conscience, je ne peux pas me prononcer. Pourquoi pas ? Ce n'est pas mal ce que tu dis là, tu m'ouvres d'autres horizons. La nature procède, pour moi, par intentions, nous en avons déjà parlé ensemble.

Parfois ses intentions sont géniales, parfois désastreuses. Mais attention ! Du désastre sort toujours quelque chose de positif. J'en reviens à un poème que j'ai écrit il y a fort longtemps dans un livre Mondes et Soleils (Mondes et Soleils, poèmes, Les Écrivains français réunis, 1952), d'ailleurs Edgar Morin a été le premier à écrire sur moi, à cette époque apparaissait déjà le Verdet cosmologue :

" Le Hasard contenait l'ordre
Et quand l'ordre vint
Il fit la part au hasard dans la création"
Ou "le plus parfait équilibre penchera toujours
quelque peu du côté du hasard."

Mon prochain livre, enfin je ne veux pas m'attarder sur ce que je fais, s'appellera, c'est assez signifiant, "Les Voies de l'univers, les Désordres des hommes".

Ce sera un livre très dur, mais avec une échappée vers la lumière, sans doute vers un bien-être non seulement des hommes, mais aussi des animaux.

Tant que nous n'aurons pas sauvé l'animal, tant que nous ne percevrons pas que l'animal est l'animal-frère, l'humanité ne sera pas sauvée ! Nous n'avons pas encore pris assez connaissance des relations magiques qui existent entre la nature, l'animal et nous. Ne penses-tu pas ?

Oui, tout est en interpénétration, tout communique avec tout comme dirait Suarès...
Évidemment, du tout au rien, du rien au tout.

Depuis des millénaires, les poètes et les mystiques - d'ailleurs pour moi, c'est la même chose - le disent, pourtant il semble que cela ne soit pas compris. Peut-être faut-il le formuler autrement ? Comment celui qui ne communique pas avec lui-même, pourrait-il communiquer avec le reste ?
C'est-à-dire qu'il est coupé de sa meilleure part. Je dirais que même l'homme le plus cruel, le plus méchant, a cette part en lui. Je t'ai raconté l'histoire de ma rencontre avec le terrible Mengele.

Chez cet homme qui a envoyé des millions de personnes à la mort, à la chambre à gaz, puis au four crématoire, tout à coup, j'ai trouvé cette "faille", la part bonne de l'homme en lui.

Et si je te dis : amour des étoiles ?
Tu abordes là un sujet dont je pourrais parler pendant une année entière. Ce sont nos plus chères présences. Pour moi, les étoiles sont les lampes du devenir.

Elles viennent du plus profond, du plus lointain passé. Elles ont toujours été là ! Cet amour des étoiles m'est venu par mon oncle Joseph qui était bossu et seul, quoiqu'aimé de son frère, mon autre oncle, qui m'a élevé.

Étant seul, il avait trouvé compagnie auprès des étoiles. Et je me souviens de cet homme au moment où j'allais me coucher: il était assis dans un bastingage à côté du grand mur de notre propriété à Saint-Paul. Pour lui, c'était un bastingage dans l'espace.

Et moi aussi, plus tard j'ai trouvé compagnie avec les étoiles à Buchenwald. La nuit à Buchenwald je me levais pour contempler les étoiles. Elles étaient lointaines, mais je sentais qu'elles étaient proches.

Les étoiles étaient mes soeurs, mes compagnes, mes femmes, mes amantes... C'est vraiment en grande partie grâce à la ferveur que je leur ai portée que je me suis sauvé des camps de concentration, parce que je ne les avais pas oubliées.

Elles étaient là ! Les étoiles sont une cheminante calligraphie qui constamment écrit notre devenir. Ce devenir a pris racine dans le départ, je dirais, pour être à l'aise, dans le big bang - quoique j'évolue à ce sujet, puisque cette théorie du big bang aujourd'hui est remise en cause.

Et c'est lui, Oncle Joseph, qui m'a enseigné le cheminement stellaire. C'était extraordinaire... Alors je lui dois beaucoup. Finalement, je suis un homme très, très seul, en dépit d'avoir beaucoup d'amis.

Plus je suis seul, plus j'ai d'amis, et plus je suis seul. Je suis très seul, sans doute parce que j'ai vu tellement de choses... ce que les hommes font de la vie, de leur existence, de leur destin. Donc c'est presque une solitude contrainte par les actes de mes semblables.

Est-ce que cette solitude n'est pas le "prix" à payer pour être en présence du vide ?
Sans doute ! Sans doute... Je vous ai fait une révélation, je n'aurais peut-être pas dû... mais c'est vrai, plus je vais, plus je me sens seul, et cela malgré l'amour et la gentillesse. Parfois, j'ai presque envie de pleurer sur moi-même égoïstement, tu vois ?

Je connais ça (rire).
...Sans doute comme beaucoup de mes amis qui ont aussi subi les camps de concentration. Tu sais d'être passé par là, cela aiguise la sensibilité. Quand nous sommes rentrés, je me suis dit : "Maintenant, le monde va aller vers le mieux, vers quelque chose...

Le combat que nous avons mené a été utile". Or, regardez aujourd'hui si on y réfléchit bien, c'est absolument abominable tout ce qui se passe, le Rwanda, la Yougoslavie... Les guerres n'apprennent rien aux hommes, ils recommencent.

Je pense qu'ils apprennent mais très lentement. J'aimerais que nous revenions si tu le veux bien à la solitude, à la présence et au vide.
Je l'ai peut-être expliqué de façon trop objective ou de manière trop anecdotique. Il faudrait aller peut-être plus avant.

Pour Ibn El Arabi, par exemple, qui est mon grand amour, Allah est la solitude primordiale. Ainsi toute tristesse et toute solitude sont divines : "La Tristesse n'est pas le "privilège" de l'être créaturel; elle est dans l'Être créateur lui-même, elle est le motif même qui fait de l'Être primordial, devançant toutes nos déductions, un Être créateur ; elle est le secret de sa créativité." (Henry Corbin, L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn'Arabî, éd. Flammarion, Paris, édition originale, 1958, 2e édition 1977)
Je vais te faire un terrible aveu, lorsqu'à Auchwitz, nous attendions d'être passés par les...

chambres à gaz, et par le crématorium, et mes camarades ont aussi éprouvé la même chose, jamais je n'ai autant senti la non-présence de Dieu, Dieu tel que le définissent les chrétiens et les musulmans.

Tu n'avais même pas un sentiment d'abandon, c'est cela ?
Oui, c'est bien ce que tu dis, si j'avais eu le sentiment d'abandon, cela aurait voulu dire qu'il était là ! Et pourtant, je sens qu'il y a une force extraordinaire ( souligné par la voix) extraordinaire ! Tout est énergie, les champs et les ondes, il faudrait que je t'envoie cette chanson dont je t'ai parlé et qui est importante.

Elle est comme une ronde. L'autre chant c'est "Midi, Minuit", c'est moins abstrait que ce que j'écris aujourd'hui, mais c'est une ronde, légère et passagère, donnant peut-être l'apparence d'une chose légère, pourtant elle va loin.

Pour te répondre je citerai à nouveau Ibn El Arabi : "Étant donné que l'être éphémère manifeste la "forme" de l'éternel, c'est par la contemplation de l'éphémère que Dieu nous communique la connaissance de Lui-même" (La Sagesse des prophètes, de Muhyi-d-dîn Ibn'Arabi, 2e édition, aux éditions Albin Michel, Paris, 1974, p.33).
Éphémère, selon un autre sens que celui auquel nous sommes habitués. Lorsque je vois, par exemple, des papillons que l'on appelle "éphémères", je suis bouleversé, parce que je n'ai jamais autant senti ce sentiment d'éternité que dans cet éphémère.

L'éternité, selon moi, n'est pas l'éternité que l'on croit, l'éternité des catholiques et des autres religions. Pour moi, l'éternité c'est une très longue vacance de l'univers entre deux cycles, c'est le grand repos.

Mais attention ! un repos qui n'est justement pas éternel dans le sens où on l'entend. Entre deux grands et extraordinaires cycles de notre univers, l'activité de l'énergie cesse, il y a un grand silence, un grand repos et tout reprend ! C'est une chose que j'avance qui est peut-être ridicule...

Non, en ce qui me concerne, je sens la même chose. D'après Suarès dans la Kabbale Jésus dit : "Je suis ce mouvement et ce repos" (Mémoire sur le retour du rabbi qu'on appelle Jésus, Carlo Suarès, éditions Robert Lafont, Paris, 1975, p.197).
Oui, mais c'est très beau ! Et c'est très vrai. Justement, si on pense à cette grande présence, à l'énergie qui baigne la totalité, à tout ce qui se passe et se crée, se défait, et se recrée...

Pour vous dire que tout est lié, notre langage est une énergie. Quand la musique devient parole et que la parole devient chant, ou inversement, c'est extraordinaire !

La poésie naît ! (rire).

Tu me l'as enlevé. C'est là que la poésie naît. Pour moi musique, chant, architecture, peinture doivent tendre vers la poésie.

C'est pour cela que j'ai écrit ce court distique : "À un certain point critique du langage, l'étoile implose", elle n'explose pas, elle implose.

Vous avez là une très courte définition d'une certaine philosophie de votre ami André Verdet. Réfléchissez là-dessus.

Ce que je comprends, c'est que l'étoile implose par amour et par générosité, pour ensemencer l'Univers !
Toute étoile fait tout par amour. L'étoile fait tout par générosité, ne l'oublie pas. Quand une supernova fait le sacrifice d'elle-même, elle se répand, elle s'éparpille, et non seulement de ses restes, de ses braises, charbon ardent, peuvent naître d'autres étoiles, mais aussi des planètes...

Et nous !
Et c'est nous. J'ai écrit : "L'homme fils de l'étoile".

Bleue semble-t-il.
Mais plus loin j'ai aussi écrit : "L'homme irréductible tueur de l'animal frère !". C'est dans "De quel passé, de quel futur". Il faut absolument que tu l'aies ! Parce que nous avons été avec mon groupe de jazz Bételgeuse, les seuls à avoir obtenu l'autorisation, par mes amis Jean-Claude Pecker et Philippe Delache, de faire un concert sous la voûte du planétarium à Paris pendant quatre jours.

À l'imploration au Soleil, à l'imploration humaine. De nombreuses choses y ont été dites, très succintement.

Tu verras, ça, c'est un premier abord. On reviendra à certains points, c'est bien de faire "bref et dans le désorde" - titre de mon prochain livre... Pose-moi des questions et fais-moi une petite cigarette, merci !

Dans une sorte de chaos créateur.

Pour moi, le chaos ordonne ce que notre cerveau n'a pas encore ordonné. On quitte le précédent sujet, mais nous y reviendrons. Il ne faut pas confondre chaos et hasard, nous en avons parlé hier soir et cela m'a fait plaisir.

Le chaos n'a pas de prise sur le hasard. Brutalement, je dis tout de suite la terminaison de mon prochain livre "l'espace c'est le hasard pur". Pensez à cela !

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