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La Grande Implosion

Toutes les sociétés finissent par s’écrouler. La nôtre est un peu comme ces « programmes de recherche » qui finissent par devenir stériles. Il faut alors accepter de nouvelles idées parce que les précédentes n’ont plus rien à donner. Pierre Thuillier

Pierre Thuillier était avant tout un être humain et un ami. Il a rejoint les étoiles en septembre 1999, mais le dialogue n’est pas interrompu. Il nous reste son esprit vif argent, vivant et vibrant à travers ses livres.

Personnage hors du commun. Capable d’allier enthousiasme et révolte à une grande rigueur et une grande érudition. Agrégé de lettres classiques et agrégé de philosophie, il enseignait pour des scientifiques à l’Université de Paris-VII. Il avait, pendant plus de vingt ans, dirigé une rubrique dans la revue la Recherche, et publié un grand nombre de livres : Socrate fonctionnaire, essai sur (et contre) la philosophie universitaire (1969), Jeux et enjeux de la science (1972), le Petit Savant illustré (1980), les Biologistes vont-ils prendre le pouvoir ? (1981), Darwin and C° (1981), l’Aventure industrielle et ses mythes (1982), les Savoirs ventriloques (1983), D’Archimède à Einstein (1988), les Passions du savoir (1988), la Grande Implosion (1995), la Revanche des sorcières (1997), Science et société (1997). A cela j’ajouterai sa participation à une table ronde sur l’art, les sciences et les pouvoirs, à mon invitation, avec le photographe Willy Ronis, l’historienne et romancière Danielle Bleitrach, et le peintre et théoricien de l’esthétique Jean-Pierre Jouffroy, publiée dans Révolution du 15 septembre 1994.**

Il travaillait sans relâche à éveiller les esprits !

L’entretien dont je cite un extrait ici a été réalisé à l’occasion de la parution de son livre « La Grande Implosion » dans lequel, il annonce la fin de l’Occident et de notre mode de vie.

L’idée que nous représentons le sommet de l’histoire humaine n’est qu’un préjugé, un mythe parmi d’autres. La société de consommation couplée à l’Etat-Providence a vidée les individus de leur substance. L’objet s’est substitué au sujet. L’essence de l’existence occidentale ne se rattache qu’à l’avoir » dit-il.

Nous avons perdu toute tradition critique par manque de courage, facilité, confort en se réfugiant derrière l’éthique de la responsabilité au détriment de l’éthique de la conviction. La capacité de réflexion des élites s’est effondrée.

Pour autant, il serait facile de faire porter toute la responsabilité sur le dos de nos élites. N’avons-nous pas abdiqué en réduisant notre contribution à l’espace public au vote de nos représentants ? Le poids des échanges marchands et leur généralisation nous amènent par le vide qu’il génère et la déculturation à nous pencher sur nous-mêmes et des choses insignifiantes.

Du fait des privilèges et des intérêts d’une minorité, les risques de réactions violentes sont inévitables. Pensons aux émeutes ou au CPE. Pierre Thuillier compare la situation de notre monde à celle d’un homme qui tombe d’un immeuble d’une centaine d’étages. Il est conscient de l’issu de la chute qu’au moment où il n’a plus aucune solution.

tatiana.

Extraits l’entretien-fleuve de Pierre Thuillier (Philosophe & journaliste scientifique) réalisé par Tatiana F. (Les Humains Associés, La Revue Intemporelle). Autour du livre : « La Grande Implosion » paru en 1995 aux éditions Fayard.

Tatiana : Dans ton livre La Grande Implosion, le narrateur écrit en 2081 et retrace l’histoire de l’effondrement de la civilisation occidentale qui a débuté entre 1999 et 2002. On y trouve une richesse inouïe d’éléments décrivant l’état des lieux actuel — notre présent. Une question revient sans cesse : Comment se fait-il que les Occidentaux n’aient rien vu venir ? Pourquoi n’ont-ils pas entendu les voix pourtant nombreuses qui ont dénoncé sans relâche les travers de l’Occident ? Même si nous sommes encore à deux années de l’échéance 1999, ce qui nous laisse éventuellement le temps de faire en sorte que les choses se passent autrement, ton message m’apparaît prophétique. Qu’en penses-tu ?

Pierre Thuillier : Il va de soi que je n’ai pas du tout le sentiment de prophétiser quoi que ce soit. D’ailleurs ce n’est qu’après avoir rédigé mon livre que j’ai découvert que la période 1999-2002 coïncidait avec les trois dernières années du septennat de Jacques Chirac. Au départ, je jure ne pas l’avoir fait exprès ! Un matin, j’ai lu le titre « 1999 /2002 » dans un journal. C’étaient des dates concernant l’Euro, la monnaie européenne… Mais le choix de ces dates fut totalement involontaire. J’ai surtout voulu éviter le millénarisme simplet, et faire en sorte que la moyenne ne fasse pas 2000. Je ne prophétise donc pas que l’effondrement de l’Occident se passera à cette date, et je me suis tout autant abstenu de décrire ce qui s’est réellement passé, même si j’y fais allusion avec la destruction de l’École nationale d’administration (l’ÉNA), de l’École polytechnique ou de l’Assemblée nationale… C’est simplement pour plaisanter, au passage.

La question centrale, comme tu l’as dit, n’est pas tellement de décrire le futur, mais d’étudier pourquoi les Occidentaux n’ont pas vu venir la fin. Il est vrai qu’on rejoint là l’idée de prophétie, mais je le dirais autrement. Je présuppose qu’une fin nous menace, et ceci sérieusement. Ma position est alors simple. J’ignore bien sûr si cela se produira dans 6 mois, dans 5 ans ou dans 30 ans, mais je crois cette fin inévitable, et c’est ce que je veux signifier en donnant des dates. J’ai la conviction personnelle, passionnelle et intuitive — que je me garderai bien de décrire comme prophétique — que ça ne peut pas continuer ainsi, que ça va imploser. Mais entendons-nous bien, il ne s’agit pas de prédire la fin de l’humanité, mais uniquement la fin d’un certain mode de vie, d’une certaine culture. En toute hypothèse, ce serait donc une prophétie très limitée et en aucun cas un catastrophisme absolu.

Toutes les sociétés finissent par s’écrouler. La nôtre est un peu comme ces « programmes de recherche » qui finissent par devenir stériles. Il faut alors accepter de nouvelles idées parce que les précédentes n’ont plus rien à donner. Pour notre société, je parle d’actes fondateurs. Au XIe ou XIIe siècle, l’Occident a choisi un certain axe de développement; et dès lors, il le suit jusqu’au bout, jusqu’au moment où il devient stérile, où il y a trop de contradictions et de dysfonctionnements. En un sens, cette intuition est banale — je dis cela pour bien gommer l’idée de prophétie.

Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que toutes les autres sociétés ont subi le même sort. Je donne l’exemple de la Cité grecque, ou celui sans doute encore plus frappant de la chrétienté médiévale, au XIIIe siècle, au temps de saint Louis et de saint Thomas. À cette époque, les gens devaient croire que la chrétienté était une réalité éternelle, et puis elle s’est effondrée relativement vite. On peut me dire : « Ah ! Vous annoncez la fin… ». Mais je veux simplement rappeler, à nous civilisés, que l’idée que nous représentons le sommet de l’histoire humaine n’est qu’un préjugé, un mythe parmi d’autres.

Finalement, plutôt que de prophétie, je parlerai donc de banalité. J’ai d’ailleurs précisé à mon éditeur, avant même d’écrire la première page de ce livre, que je voulais tout simplement dire des choses que tout le monde sait. Je reçois d’ailleurs des lettres disant : « Je vous remercie, parce que vous exprimez clairement ce que je pensais confusément ». C’est pour moi le plus grand compliment. Même s’il s’agit de prophétisme au sens large, d’avertissement, il faut écarter toute idée de découverte merveilleuse. Je crois au contraire que le projet consiste à donner une lecture plus historique d’une situation que tout le monde connaît. Tout le monde est prophète. Au Café du commerce, nombreux sont les gens qui disent : « On va droit dans le mur, on va se planter! » Eux aussi prophétisent, et moi je prophétise seulement dans ce sens-là.

Paris, 1995.

Nous vous invitons à lire la suite de l’entretien disponible intégralement en version électronique (existe aussi en papier) : http://www.humains-associes.fr/No8/HA.No8.Thuillier.html

** Jean-Paul Jouary

2 commentaires

n’est-ce pas là un appel parmit tant d’autre, le fin de notre civilisation n’est pas prophétique, elle est simplement lié a la fin du pétrole. et a la raréfaction réelle de cette source d’energie libre qui permit l’essort d’une civilisation occidentale riche, extrement riche par tout les points de vue.
on le sait depuis 1929 et d’autre cas, comme 1789, les crise economique prépare les crises politiques et pire les guerres fratricide.
mais est-ce la fin de l’humanisme neo-démocratique, et de l’etat de droit egalitaire qui sur le plan legal pose une certainne idée de la régulation du fait social en occident??
difficile de prophétiser un effrondrement radical des valeurs humaine sur le plan idéel, peut-etre sur le plan réel, puisque le réel humain s’engonce et s’enracine sur notre petite terre. les hommes ne sont pas que des etres spirituels, la moindre pécadille sur son compte bancaire le met en boule et lui fait entonner des champs de vengeance ou bien ruser pour ne plus payer au fisc.
notre civilisation, comme l’on dit c’est surtout aujourd’hui cette civilisation de haute consomation, ou plutôt de grand gaspillage d’objet inrecyclable. mais elles porte aussi toute une ribambelle de droit et de solidarité tel que la social-democratie la mise ne place depuis 1936 et que les cinquante dernière année de stabilité politique on vu fleurir.

de quelle civilisation parlez-vous, celle de la consomation?? je ne pense pas qu’aucun ici ne veuille se séparer réellement de bon nombre de ces création humaine qui rendent la vie bien plus facile a vivre que ne le furent celle de nos ancients. est-ce de la civilisation des droits de l’hommes, qui aujourd’hui n’est pas encore parvenu a accouché de l’humanitée au sens universel du terme. ou est-ce encore une fois cette forme anté-diluvienne fille de noé qui veux que cette planète ne puisse t’etre qu’une chose, qu’une simple poubelle le tout conforté par un don divin??
n’est-ce pas la fin de la civilisation de l’irresposabilité humaine en face de ces actes economique, de l’incompréhension de la réelle profndeuret complexité du fait naturel réduit a un simple mécanisme d’horlogerie par le cartésianisme deique. n’est-ce cette sortie de l’excuse divine, deresponsabilisante, que nous homme devons attendre, afin que cette émanciaption de l’humanisme devienne enfin possible et que responsable de nous, et de la terre, nous parvenions a trouver un équilibre entre notre nature « poussière tu es poussière » de cette terre, la raison du philosophe, et notre volonté pleine a vouloir une huamnitée réelle et enfin possible, mature en connaissance, et en sagesse quand a ses possible et son devenir??

n’est-ce pas l’ordre ancient qui posait l’homme sur un piedestal au sein du vivant qui tend a s’ecrouler, et qui lui donnait les plein droit sur la nature?? n’est-ce pas cette civilisation-là qui aujourd’hui prend conscience de la finitude terrestre et du devoir de sa propre responsabilisation envers tout le reste du vivant, pour simplment se sauver elle-même..

Bonjour. Un mot pour vous dire que je suis avec vous. Comme vous, je considère que le non-sens à assez duré. De mon coté, je travaille depuis cinq ans sur un projet cinématographique « EtSi » (une histoire d’amour et de réconciliation unique en son genre) et je viens de commencer un blogue « Paix 101 ».

On se reparle bientôt.

Yogi

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