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Société de vide et de consumation

Presque tous éprouvent la nette impression que quelque chose est en train de dépérir, de se dessécher en eux, que les vrais rapports humains deviennent quasi inexistants.

À la veille d’une nouvelle année je réfléchis, les neurones tourbillonnants, à ce vide existentiel qui enveloppe douillettement notre ennuyeuse et si raffinée société française et occidentale. Allons-nous, un jour futur, comprendre qu’une société et une existence basées sur l’inessentiel, sans autres valeurs que celles de la satisfaction immédiate des désirs – parce que je le vaux bien – finiront tôt ou tard par prendre feu, littéralement? Et pas seulement de manière occasionnelle, dans la périphérie de nos villes…

Comprendrons-nous que vide (dans le sens du creux, de l’insipide) et consommation sont les deux faces d’une même pièce de monnaie? Que la « société de consumation » nous trompe? Que l’individualisme qu’on nous vend à coup de pub fort onéreuse sur papier glacé est tout à fait irrationnel, n’ayant pas d’autre but que de nous éloigner les uns des autres, de nous empêcher de rêver ensemble et ainsi de nous désenchanter davantage encore du monde réel, afin de nous vendre l’Évasion sous toutes ses coutures, et ainsi maintenir cette société ultra-libérale qui n’a rien à faire de notre humanité, et dans laquelle notre valeur est affichée via les vêtement que nous portons, la voiture que nous utilisons, l’apparence que nous nous donnons? Saisirons-nous qu’à ce rythme-là nous n’aurons bientôt plus d’autre objectif que ceux fixés pour nous par ce système mercantile?

Ballottés entre les cultes de l’argent, de la jeunesse, de la réussite individuelle, nous n’avons ni le temps, ni le désir de penser notre existence, notre vie. Comprendrons-nous que cela est rationnellement entretenu par les puissantes machines à faire du profit qui nous gouvernent? Leurs figures imposées, auxquelles nous avons fini par nous identifier, vivent des existences excitantes et comblées. Ces nouveaux héros ont tous autant d’argent et d’ambitions satisfaites qu’ils le désirent… et bien sûr, le bonheur, la santé, l’amour, l’équilibre, du moins c’est ce que veulent nous faire croire ceux qui ont fixé pour nous les objectifs à atteindre. Le parfait manuel des Vraies Valeurs de la Réussite a réussi à évacuer toute valeur humaniste et sociale, en s’en moquant ou en en faisant la satire, en tournant en dérision toute velléité transcendante, tout questionnement sur l’intériorité de l’humain, réduit au délire coupable d’arriérés qualifiés de néo-réac, d’adeptes de croyances obscurantistes révolues. Tout cela afin de maquiller une réalité de plus en plus tragique, celle de l’extrême solitude humaine.

Personne n’éprouve plus pour personne la moindre sympathie – dans le sens de la souffrance partagée. Presque tous éprouvent la nette impression que quelque chose est en train de dépérir, de se dessécher en eux, que les vrais rapports humains deviennent quasi inexistants. Mais cela reste encore dans le domaine de l’imprononçable, de l’interdit. Tout comme la mort, d’ailleurs… En réalité, cette société ultra-individualiste réussit à atteindre, avec notre complicité, son seul et unique but: faire de nous des individus esseulés et donc en manque de tout, vouées à la seule recherche de divertissements, d’évasions en tout genre, qui peuvent, seuls, combler le vide de leur existence (dixit le manuel de la parfaite réussite) et donner un sens plein à la Vie. Pour parvenir à cette plénitude factice, il faut se consumer soi-même sur l’autel de la productivité sauvage, où nous sommes éjectés aussitôt après usage. Un sacrifice personnel, en somme, pour que vive le système. Voilà peut-être le secret le mieux gardé de la puissante civilisation occidentale. Fort heureusement, quelques fous, justement parce qu’ils sont fous, parviennent encore à s’en rendre compte… et à l’écrire!

tatiana f.

(Ecrit fin décembre 2005 et publié sur agoravox)

lecture inspiratrice:
Chercheur de Vérité – Idries Shah
Albin Michel

Photo de Natacha Quester-Séméon, Trouville, 2005

1 commentaire

bravo
tout est dit dans cet article……les dérives du XXI siècle…..Merci beaucoup.
Je fais chaque jour le même constat!

Amicalement

Emmanuelle

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