Philippe 
Quéau (suite et fin) 
On revient à la Trinité augustinienne. C'est parce 
que nous
sommes esprit que nous sommes libres, mais c'est aussi parce que 
nous sommes
libres que nous pouvons encore plus être esprit, que nous 
pouvons vouloir
l'être, et que nous pouvons comprendre que nous sommes 
libres, que nous
devons nous rappeler que nous sommes esprit.
 
Ce noeud extrêmement complexe, parfaitement décrit 
par
Saint-Augustin, est l'histoire de chacun d'entre nous. Qu'est-ce qui 
fait que
dans une vie vous deveniez de plus en plus heureux ou de plus en 
plus
mécontent ? C'est que, étape par étape, 
petite chose par
petite chose, vous allez favoriser tel ou tel aspect de votre
personnalité. 
 
C'est pour ça que nous sommes tous responsables. On peut se 
dire au bout
de cinquante ans : "J'ai raté ma vie parce que je 
n'étais pas
doué, parce que ceci, parce que cela", mais en fait ce n'est 
pas le vrai
problème. 
 
À tout moment vous pouvez corriger votre histoire par 
petites
inflexions, en disposant de trois armes qui se renforcent 
mutuellement : la
mémoire, la volonté, et l'intelligence. 
 
Même quand vous manquez de l'une, vous pouvez compenser 
par l'autre. Si
vous manquez de mémoire, vous pouvez vous servir de la 
volonté,
et avec un grand effort, vous finirez par vous rappeler. 
 
Il est très rare que les gens soient à la fois 
bêtes, sans
mémoire et sans volonté. Il suffit que vous vous 
serviez de l'une
pour renforcer les deux autres, et c'est comme ça que vous 
grandissez. 
 
 Nous pouvons donc nous créer nous-mêmes. Quand 
vous n'aimez
pas quelqu'un, vous êtes en position de créer ex-nihilo 
votre
capacité d'aimer; et là, il y a quelque chose de divin. 
C'est une
façon d'être à l'image de Dieu. Notre 
rôle
fondamental n'est pas de créer des quarks, ou des 
électrons, ou
des médicaments, mais de créer dans notre propre 
pensée,
par exemple de créer de l'amour. 
 
Si la matière est au service de l'esprit, ne peut-on pas 
avancer que
la matière est en même temps, par son 
côté
miraculeux, une sorte d'aboutissement, la concrétisation 
formelle du
rêve de l'esprit. Je pense au miracle de la création 
d'un corps
humain à partir de l'idée du corps humain. Dans le 
virtuel on
peut imaginer et fabriquer autant d'images du corps qu'on veut, 
mais on ne sait
pas fabriquer un corps réel... Je crois qu'une seule 
âme vaut
plus que tout l'univers aux yeux de Dieu, une seule âme ! 
Pour moi
l'âme n'est pas faite de matière. Dans ce domaine je 
suis
aristotélicien. De ce point de vue philosophique, l'esprit est
immatériel, c'est une pure "forme". 
 
Je prends une statue de bronze. Il y a le bronze et puis il y a la 
forme de la
statue. La forme de la statue est complètement 
immatérielle, elle
n'existe pas en tant que matière. 
 
De même vous avez le triangle dans le sable, qui est de sable, 
mais il y
a le triangle mathématique qui est abstrait, qui est hors de 
toute
matière. Nous sommes capables de "comprendre" cette 
abstraction en
dehors de sa matérialité. 
 
Quand je dis "triangle" vous ne pensez pas à un triangle dans 
le sable,
vous pensez à un triangle mathématique. Ça 
n'est pas
matériel, mais ça existe quand même. 
 
Une idée ça n'a pas de matière et à sa 
façon
ça existe. Il y a donc des classes d'objets qui n'existent pas 
à
la façon des objets matériels, comme les triangles 
ou les formes
de statues, ou les idées, et il y a aussi les âmes. 
 
Et la nature la plus profonde des âmes est un 
mystère, elle est
d'une essence divine. 
 
Évidemment, comme nous sommes dans l'oeil du cyclone, il 
est très
difficile de nous comprendre nous-mêmes. Notre plan de 
conscience est
obscurci par nous-mêmes.  
 
Revenons, si vous le voulez, au concret immédiat. Que 
pourrait-on
faire pour que le virtuel ne soit pas une béquille 
technologique de
plus, mais une source d'espérance potentielle ? La 
plus grande
noblesse de l'homme, c'est de se suffire à lui-même 
pour mieux
donner aux autres. Les grands sages, les grands savants, les grands
poètes se suffisent à eux-mêmes et ils sont
néanmoins rayonnants d'humanité. 
 
Le virtuel n'est qu'une béquille comme beaucoup d'autres 
choses. Il faut
trouver l'espérance ailleurs. Nous avons en France 
près de 13 %
de chômeurs - et ça pourrait continuer longtemps 
ainsi. Vu les
progrès de la technologie, il n'y a aucune raison qu'on n'en 
ait pas 25
% à l'horizon 2015. 
 
À terme, nous aurons 2% de la population (dans 
l'agriculture) qui nous
nourriront, et 3% qui surveilleront les robots qui fabriqueront les 
produits
manufacturés. Que ferons-nous du reste ? C'est difficile 
à
concevoir, mais imaginons que chacun d'entre nous soit comme ces 
moines du
Moyen Âge qui toute leur vie recopiaient des manuscrits,
étudiaient, réfléchissaient en cultivant leur 
jardin et en
priant le Seigneur. 
 
Ces moines qui ont fait la gloire de la civilisation 
médiévale,
qui ont permis à l'esprit de vivre dans une Europe barbare, 
et qui ont
conservé des oeuvres d'Aristote, de Platon, et de savants 
arabes... 
 
Bref, des gens qui sont heureux de vivre, disposant du minimum 
vital, nourris,
logés, chauffés et qui trouvent en eux-mêmes, 
en leur
esprit, les ressources pour continuer à chercher.  
 
Nous avons là un modèle d'humanité 
intéressant,
parce que ceux qui étaient des chômeurs ne le 
seraient plus,
devenant des chercheurs d'esprit qui auraient le minimum vital 
comme les moines
d'autrefois. 
 
Simplement, ils disposeraient d'un temps qu'ils emploieraient avec 
joie
à réfléchir sur le sens de leur propre nature
d'être au monde ; ils seraient créateurs de leur 
propre
vie. 
 
Seulement cela demande une autre façon de répartir 
la richesse,
avec une pension de penseur qui serait allouée à 
ceux qui
n'auraient pas un travail à plein temps. La transformation 
serait
intérieure, radicale.  
 
Le changement dont nous avons besoin dans les années 
à venir est
de cet ordre-là, c'est-à-dire un changement 
intérieur,
parce que la solution ne viendra pas des gouvernements. 
 
Ils en sont incapables, ils n'en ont pas les moyens. En revanche, 
nous pouvons
nous former nous-mêmes, nous pouvons agir là 
où nous
sommes, avec les moyens dont nous disposons. Nous pouvons 
changer notre regard
sur nous-mêmes. 
 
D'autant qu'on peut imaginer que ces 5% ou 10% de travailleurs 
actifs
tournent dans la société, et qu'on devienne à 
tour de
rôle, agriculteur, ouvrier, chercheur...  Oui, tout 
à fait,
c'est comme si l'année sabbatique devenait l'année 
de travail et
le reste serait le sabbat. Il y aurait six jours de sabbat et un jour 
de
travail ! En fait pour moi, le réseau du virtuel, du 
Cyberespace,
c'est comme le réseau des abbayes au Moyen Âge. 
 
Je pense que c'est cela qui nous permettra de survivre à la 
barbarie qui
s'annonce et qui est en gestation. Sincèrement, sans 
être
pessimiste, à long terme, je crois que les choses vont 
s'amocher, qu'il
y aura des guérillas urbaines, une pauvreté 
galopante, etc. 
 
Il va falloir inventer de nouvelles résistances. Le maquis 
aujourd'hui,
c'est, d'une certaine manière, le maquis de l'intelligence, le 
maquis de
la méditation, le maquis d'Internet, parce que c'est un des 
outils de
solidarité à l'échelle mondiale, et que nous 
avons besoin
de maquis mondiaux. 
 
Ce n'est plus le Vercors, c'est le monde. Nous allons devoir changer 
nos
comportements de façon radicale. C'est dans un double 
mouvement que nous
trouverons notre vérité, entre une 
intériorisation
davantage ancrée en nous-mêmes et une ouverture de 
plus en plus
généreuse aux autres.  
 
Nous vivons le paradoxe d'être dans une 
société d'abondance
relativement factice, essentiellement d'ordre matériel et 
consumatoire,
et d'avoir des besoins énormes dans la santé, 
l'éducation,
la solidarité et l'environnement. 
 
Et c'est dans ces domaines-là que les nouveaux "moines", ou 
nouveaux
résistants pour prendre une autre métaphore, 
devront
opérer. Non seulement il faut conserver notre 
planète, mais il
faut l'améliorer. 
 
La question clé est : comment répartir les richesses 
?
Aujourd'hui la richesse revient entièrement à ceux 
qui se
l'approprient, parce qu'ils sont là où ils peuvent
prélever une part importante de la valeur ajoutée; 
les capitaines
d'industrie sont ceux qui se sont placés au bon moment dans
l'échelle sociale pour la récupérer. 
 
Mais il n'est plus possible de fonctionner ainsi. Ce n'est pas parce 
que 10%
des gens seulement produiraient de la richesse, qu'il faudrait 
exclure les 90%
restants. 
 
Sinon nous ne sommes plus des hommes et cela revient à 
dire : "il y a
90% d'inutiles, exterminons-les !" Il faut prendre un autre 
raisonnement : il y
a 10 % de gens qui produiront la richesse matérielle et 90 % 
qui
pourront devenir peintres, formateurs, éducateurs ; qui 
produiront la
richesse "virtuelle", immatérielle, sinon on ne tiendra pas 
le choc. 
 
C'est de l'utopie... lointaine, mais nécessaire si on croit au
renversement actuel des grands équilibres.  
 
Il est complètement invraisemblable que nous, pays du 
Nord,
hyper-riches, face aux pays du Sud dix fois plus pauvres, nous 
puissions
continuer de nous plaindre ! Nous ne pourrons supporter longtemps 
encore
d'être, à nos propres yeux, des veaux bien gras, il 
faudra que
l'on prenne acte de la situation réelle du monde et notre 
propre
manière d'être au monde. 
 
Je crois qu'il faut que nous ayons un discours de rupture, parce que 
finalement
c'est la seule manière pour nous d'être sauvés 
dans notre
propre essence. 
 
De même que la vie est une double rupture, avec la conception 
et la
naissance, il y a rupture fondamentale entre le néant et 
l'être.
La naissance est le passage brutal d'un milieu amniotique, rond, et 
rassurant,
à un milieu plein d'angles, dur, froid et violent. De 
même lorsque
l'on meurt il n'y a que des ruptures.  
 
Le fait est que dans le monde où nous vivons, il faut 
s'apprêter
à naître à autre chose. Aujourd'hui la France 
est un peu
comme en immersion amniotique, mais il va falloir que nous 
naissions à
un monde plus rude, plus anguleux, où nous serons plus 
hommes, moins
enfants gâtés. 
 
Les hommes du Nord sont des bébés 
comparés à la
situation que vivent les Africains par exemple. Paradoxalement la 
civilisation
indienne est beaucoup plus adulte, bien que plus pauvre. En fait, il 
s'agit de
savoir où est la vraie richesse. * 
 
  
 Petite histoire du  
"Net"En 1969, guerre froide oblige, le gouvernement 
américain
crée un réseau de communication parallèle 
appelé
ARPANET (Advance Research Project Agency Network) capable de 
résister
aux destructions causées par une guerre nucléaire 
ou un
cataclysme. 
 
Il avait pour but de permettre aux militaires et aux scientifiques 
de partager
en toute occasion leurs informations tout autour de la 
planète, et ce,
plus rapidement que par courrier ou par publication scientifique. 
 
Au départ, le Net ( réseau en anglais 
)était
réservé exclusivement aux militaires, aux 
sociétés
sous contrat avec l'armée et aux universités 
liées au
Pentagone. De cet embryon est né "l'International Net", 
Internet, un
gigantesque réseau de réseaux à 
l'échelle
mondiale. 
 
Car devant la demande et l'ouverture au grand public (en 1992), le 
Net,
d'abord confidentiel, a explosé. Il comprendrait aujourd'hui 
entre 10 et
20 millions d'abonnés (selon les sources), qui 
communiquent sur 200000
réseaux : universités, NASA, Pentagone, 
bibliothèques
nationales, gouvernements et tout possesseur d'un ordinateur
équipé d'un modem. 
 
De chez vous, vous pouvez laisser un message dans la "boîte 
au lettre
électronique" (E-mail) de Bill Clinton, de Jacques Toubon, 
du
dalaï-lama ou encore des Humains Associés. 
 
Sa vitesse de transmission permet d'envoyer sur une ligne
téléphonique standard plusieurs milliers de pages en 
une seconde
(622 mégabits/s) à l'autre bout de la 
planète. 
 
L'avantage, c'est que pour un abonnement variant selon les pays 
entre 100 F par
an et 150 F par mois vous pouvez "converser" avec l'Australie pour 
le prix
d'une communication interurbaine. 
 
Le trafic augmentant de 15% par mois, la National Science 
Foundation aux
USA, qui consacrait 10 millions de dollars par an à ce 
réseau, a
décidé d'arrêter de financer, à la fin de
l'année 1994, l'ossature centrale d'Internet. Qui va payer la 
note
demain ? Les finances publiques ou les utilisateurs ? 
 
  
 
 LE REPERTOIRE INTERNET DE STANFORD. Pour 
commencer, nous vous
conseillons le répertoire de l'Université de Stanford 
"Yahoo". Ce
serveur de plus de vingt-cinq mille adresses, mis à jour par 
les
utilisateurs eux-mêmes, permet de faire des recherches par 
mots clefs ou
simplement de s'aventurer au hasard des adresses et des 
thèmes. Serveur
en langue anglaise, adresse électronique :
http://akebono.stanford.edu/yahoo 
 
LA FONDATION DU NOUVEAU TERRITOIRE ELECTRONIQUE ET DES 
COMMUNAUTéS
VIRTUELLES The Electronic Frontier Foundation (EFF) 
a
été fondée afin de favoriser l'harmonisation 
du nouveau
territoire électronique, de le rendre accessible et utile 
à tous
et pas seulement à une élite, et de ce faire dans la 
droite ligne
de la tradition nos sociétés à maintenir un 
flux libre et
ouvert pour l'information et la communication. Pour tous 
renseignement
contacter l'EFF par boite aux lettres électroniques 
(mnemonic@eff.org),
par courrier EFF, 1001 G Street NW, Suite 950 E, Washington DC 
20001-1667 USA,
par téléphone : 202.347.5400 
 
PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR 
L'ENVIRONNEMENT Ce serveur permet la
consultation directe des nombreux documents édités 
par le
P.N.U.E.  
Serveur en anglais, adresse : gopher://unep.no:70/ 
 NASA Adresse : http://www.gsfc.nasa.gov 
 INFORMATION POUR UN MONDE QUI CHANGE Le 
Consortium pour le
réseau international d'information sur les sciences de la 
Terre (CIESIN)
est une initiative internationale qui gère l'accès 
à des
données scientifiques, politiques, éducatives et 
publiques ainsi
que des demandes d'informations. Le CIESIN archive et 
déploie les
données utiles à la compréhension des 
interactions
humaines avec l'environnement. 
Information for a Changing World. Serveur en anglais, adresse :
http://www.ciesin.org/ 
 
LE JOURNAL VERT éLECTRONIQUE The Eletronic 
Green Journal
est une publication de références 
professionnelles qui traite
des questions concernant l'environnement à l'échelle
planétaire. Ce journal électronique d'informations 
vertes est
autant destiné aux spécialistes, aux professionnels, 
aux
étudiants, aux éducateurs, etc., qu'aux utilisateurs 
d'Internet
intéressés par l'environnement. 
Electronic Green Journal. Serveur en anglais, adresse :
http://gopher.uidaho.edu/1/Ui_gopher/library/egj/ 
 
54 FAçONS D'AIDER LES SANS-ABRI 54 Ways 
You Can Help The
Homeless  est un livre libre de droit, intégralement 
disponible sur
le réseau. L'auteur, dans l'introduction, exprime le cas de 
conscience
que représente l'abandon de ces hommes laissés-
pour-compte : "Que
peut-on faire personnellement pour aider les sans-abri ? Parfois, 
le geste le
plus simple -et une bonne attitude - peuvent avoir d'importantes
conséquences...". Pour connaître ses conseils,
téléchargez vous-mêmes le livre ! 
54 Ways You Can Help The Homeless. Serveur en anglais, adresse :
http://ecosys.drdr.virginia.edu/ways/54.html 
 AMNESTY INTERNATIONAL Adresse :
http://www.traveller.com/~hrweb/ai/ai.html. 
 
SOLIDARITéS SIDA Serveur d'informations en 
langue
française et en langue anglaise : listes par 
départements des
centres de dépistage anonyme et gratuit, associations, 
numéros de
téléphone, etc. Adresse :
http://www.ircam.fr/solidarites/sida/index.htlm/ 
 
 LES HUMAINS ASSOCIÉS, 
L'INTéGRALE
  
Sur le serveur de l'INA, vous pouvez consulter l'intégrale de 
nos
éditions papier et "Les Humains Associés, Journal 
Virtuel", la
nouvelle publication que les Humains éditent uniquement 
pour le
réseau, en collaboration, entre autre, avec le groupement 
d'O.N.G.
sociales et écologiques Humaniterre Associés. 
 
ADRESSE : 
http://www.ina.fr/CP/HumainsAssociés/ 
 
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